Du capital-risque à la lutte climatique : trois réflexions pour l’élimination du CO₂ en 2024

Damien Steel, PDG de Deep Sky

Il y a environ six mois, j’ai fait un choix décisif qui a complètement réorienté ma vie professionnelle. Après presque 20 ans dans le domaine du capital-risque, je suis devenu PDG de Deep Sky, une jeune entreprise ambitieuse qui souhaite s’attaquer aux changements climatiques. Le capital-risque était mon pain quotidien : c’est un univers qui m’a amené à me dépasser et qui m’a beaucoup donné. J’ai eu l’occasion de collaborer avec certains des meilleurs entrepreneurs du monde des technologies. Ils m’ont appris l’importance de prendre des risques et d’être entièrement dévoué pour aider les entreprises en démarrage et les secteurs émergents à réussir. En devenant PDG de Deep Sky, je voulais puiser dans les leçons inestimables des géants du secteur pour concrétiser notre mission : développer les premiers projets d’élimination du carbone à l’échelle gigatonne.

Le capital-risque m’a appris à quel point il est délicat de lancer une nouvelle entreprise. J’ai vu des entreprises avec des idées prometteuses échouer simplement parce qu’elles avaient mal évalué le marché ou qu’elles ne s’étaient pas adaptées à l’évolution de leur écosystème. Si certaines prospèrent de façon indépendante, d’autres dépendent de la croissance de l’ensemble du secteur. Or, je suis fermement convaincu que le secteur de l’élimination du carbone appartient à cette deuxième catégorie, et c’est pourquoi la stratégie de Deep Sky est axée sur les partenariats. Notre mission est colossale, et nous croyons que sa réussite repose sur la collaboration de l’ensemble du secteur.

J’aimerais partager quelques observations préliminaires sur le secteur de l’élimination du carbone. En toute transparence, je ne suis pas climatologue – et je continue d’en apprendre sur ce sujet complexe. Mes réflexions s’appuient sur des principes et des apprentissages tirés des succès et des échecs de divers secteurs. Je ne prétends pas avoir toutes les solutions, mais je partage ces réflexions dans l’espoir de rallier l’industrie pour maximiser notre impact.

Nous n’y arriverons pas sans collaborer.

J’ai vu plusieurs entreprises en démarrage dans notre domaine qui tentaient de gérer elles-mêmes tous les aspects du processus : invention des technologies, fabrication, vente, approvisionnement en énergie renouvelable et stockage. Cette approche est assez courante dans les premières phases d’une industrie, mais je crois qu’elle est bancale à long terme. Au risque de paraître biaisé, je pense que le déploiement rapide du secteur nécessite deux entités distinctes : une entité pour créer la propriété intellectuelle (le développeur de technologies) et une autre pour déployer les technologies à grande échelle (le développeur de projets). C’est le modèle du secteur des énergies renouvelables, où la plupart des développeurs de projets ne participent pas à la fabrication d’éoliennes ou de panneaux solaires. De même, les entreprises qui créent ces installations laissent la planification, le financement, la construction et l’exploitation des projets à des développeurs spécialisés. Ce sont deux domaines fondamentalement distincts. Je crois sincèrement que ce modèle guidera l’évolution du secteur de l’élimination du carbone et qu’il est essentiel si nous voulons atteindre nos objectifs dans les délais impartis.

Comme plusieurs sceptiques aiment le souligner, les défis qui nous attendent sont évidents. Nous devons réduire les coûts, résoudre la pénurie d’énergie renouvelable à l’échelle mondiale et déployer nos solutions rapidement, ce qui ne sera pas chose facile. En nous attaquant à ces défis de façon indépendante, nous n’atteindrons pas la vitesse nécessaire pour changer les choses. Chez Deep Sky, nous croyons fermement en la force du partenariat. La bonne nouvelle est qu’au cours de mes trois premiers mois avec Deep Sky, mes interlocuteurs m’ont tous dit à la fin de chaque réunion importante : « C’est une des priorités absolues de notre organisation. Nous sommes pleinement engagés. Qu’est-ce que nous pouvons faire pour contribuer? »

Nous viserons plus haut (et plus vite).

J’ai collaboré avec plusieurs jeunes entreprises au cours de ma carrière, et je sais à quel point le démarrage peut s’avérer intimidant. Il est tentant de se concentrer uniquement sur la création de propriété intellectuelle (PI), mais c’est souvent un piège, à mon avis. En effet, les jeunes entreprises les plus performantes ont des ambitions monumentales dès le départ : développer une technologie d’élimination du carbone en imaginant immédiatement comment passer à 1 000 unités, par exemple. En ayant une approche « à rebours », nous pouvons plus facilement attirer de premiers investissements (un conseil : les investisseurs aiment l’ambition!), mais aussi éviter des écueils peu utiles alors que l’entreprise commence à se développer. La réalité, c’est que si les jeunes entreprises du secteur de l’élimination du carbone ne démontrent pas très tôt leur capacité de déploiement aux investisseurs et aux acheteurs, la plupart d’entre elles auront des difficultés et finiront par cesser d’exister.

Voir grand s’applique également au capital. Bien entendu, mobiliser des capitaux peut être difficile, mais j’ai vu trop de jeunes entreprises du domaine chercher à en faire plus avec moins, parce que trop préoccupées par la dilution. Ce n’est pas la voie à suivre pour bâtir une entreprise d’envergure; la dilution des débuts n’affectera pas le résultat final de façon importante. Lorsque nous mobilisons des capitaux, nos seules priorités devraient être d’attirer des investisseurs à valeur ajoutée (une tâche parfois ardue!) et d’obtenir le plus de capitaux possible.

Un dernier mot sur la mobilisation de capitaux (un sujet qui mérite une discussion à part entière) : chaque PDG devrait y consacrer une petite part de sa semaine, car le processus est sans fin.

Et un petit mot à l’intention des investisseurs qui pourraient lire ce texte : il est temps de repenser vos modèles de placement traditionnels. Oui, ce secteur nécessitera des capitaux importants, dont une grande partie servira à financer la création d’actifs réels. Cela dit, il y aura de vrais gagnants. L’importance du problème est sans précédent, et le monde se rendra bientôt compte de la nécessité de bâtir rapidement une industrie plusieurs fois plus grande que celle des hydrocarbures. D’énormes entreprises seront créées pour soutenir cette cause.

Les catalyseurs sont réels, et tous les fondements sont en place.

Au cours de mes nombreuses années à explorer de nouveaux marchés et de nouvelles occasions, je n’avais jamais vu un secteur avec des catalyseurs aussi solides que celui de l’élimination du carbone. Celui-ci possède tous les atouts pour prendre une grande envergure : un bassin d’esprits brillants, des investissements substantiels et une clientèle en croissance. Cela me rappelle un excellent texte de Paul Graham, cofondateur de Y Combinator, où il soutient que la clé du succès de la Silicon Valley à faire naître des entreprises révolutionnaires se résume à une formule simple : des nerds et des riches.(http://www.paulgraham.com/siliconvalley.html).

Il ne fait aucun doute que le secteur de l’élimination du carbone compte des fondateurs incroyablement intelligents. En trois mois à peine, j’ai rencontré un nombre impressionnant d’esprits brillants. Par ailleurs, la communauté du capital-risque a enfin commencé à reconnaître et à soutenir ces entreprises en démarrage, et les clients se manifestent plus tôt que dans la plupart des autres secteurs. Des entreprises comme Amazon, Microsoft, Shopify, des banques et des groupements d’acheteurs comme Frontier ont effectué des préachats, nous propulsant activement vers l’avant. Soyons clairs : cette mobilisation précoce des clients est un privilège rarement vu dans la plupart des autres secteurs. Notre industrie réunit tous les ingrédients nécessaires pour bâtir d’immenses entreprises.

Je sais que j’ai un parti pris, mais je crois sincèrement que nous sommes à l’aube d’une industrie de plusieurs (oui, plusieurs!) milliers de milliards de dollars. Mais comme je le rappelle à mes amis toutes les fois où je tiens ce discours : l’occasion qui s’offre à nous ne serait pas aussi grande si le problème à régler n’était pas aussi énorme. L’élimination du carbone ne nous donne pas un passe-droit pour conserver toutes nos habitudes de vie, sans rien faire d’autre pour lutter contre les changements climatiques. Ce n’est qu’un ingrédient de la solution.

À nos premiers partenaires, vous m'inspirez. L'une des nombreuses joies de ce travail est de collaborer avec des leaders et des entreprises qui partagent les mêmes idées et qui souhaitent réellement changer le monde. (cc : Mission Zero (nous recrutons !), Equatic.tech, Airhive, Carbon Atlantis, Captura, Climeworks)

Je souhaite dire une dernière chose à tous les acteurs du secteur climatique qui lisent ces lignes : c’est pour moi un immense privilège de lutter à vos côtés pour inverser les changements climatiques. J’espère que Deep Sky pourra jouer un rôle parmi les nombreuses solutions nécessaires. L’Histoire nous montre que les êtres humains ont une remarquable capacité d’innovation lorsqu’ils sont confrontés à des circonstances difficiles (pensons à la COVID). Je crois fermement que le moment est venu de mobiliser notre capacité collective d’innovation.

Chez Deep Sky, l’ambition ne nous fait pas peur!